août, 2010

Salon de BD La Galéjade… c’était bien…

Posté le 23. Août, 2010

Dire que j’ai failli ne pas y aller….
Oui, parce qu’au départ, j’ai quand même trois mille ans de boulot en retard, et ça c’est sans compter ma pile de repassage qui soutient le plafond, et l’ampoule de ma salle de bain que je dois changer, et que j’ai beau l’observer attentivement depuis le sol, je ne sais toujours pas quelle marque prendre. (Je mène une vie de dingue, vous n’avez pas idée.)
Ceci étant, d’une part Marie-José Ballay, l’organisatrice de la Galéjade, s’est donné du mal pour monter la seconde édition de cette manifestation, d’autre part je n’aime pas qu’on me traite de lâcheuse, alors faudrait voir à me parler sur un autre ton, mon p’tit pote.
Donc j’y suis allée, en me disant que bon, en même temps je n’y connaissais personne, personne ne m’y connaissait, ce serait l’occasion pour une fois de manger seule dans mon coin, et de découvrir l’effet que ça fait de ne pas être populaire et adulée, pour changer.

Et puis… je savais qu’il y aurait Edika comme invité d’honneur de ce festival organisé à Gonneville-la-Mallet, tout près d’Etretat.
A peine ne m’a-t-il pas reconnue, que nous avons immédiatement pris une photo ensemble, histoire d’immortaliser ce grand moment.

Agnes Abecassis et Edika

Edika, c’est pas seulement Fluide Glacial, c’est aussi toute mon adolescence. C’est un maitre de l’humour non-sens, avec ses personnages Bronsky, Olga, Paganini, George, et le chat Clark Gaybeul vêtu de son éternel slip kangourou. Ce sont des éclats de rire lorsque je parcourais ses albums quand j’avais quinze ans, et ce sont d’autres éclats de rire que j’y retrouve aujourd’hui, en mesurant du haut de mes trente-huit ans l’imagination débridée et la gigantesque dose d’humour qu’il faut pour remplir une seule de ses pages.
Et le pire (parce qu’il y a un truc pire), c’est qu’en plus, pour couronner le tout, c’est un des auteurs les plus simple, gentil, intelligent et humble que j’ai pu rencontrer. (A part moi, je veux dire.)

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(photos : Eric Picot)

Le vendredi de notre arrivée, Marie-José a organisé un concert sur la plage, avec Jean-Pierre Morgand, l’ex chanteur du groupe « Les Avions » (« la nuit est chaudeuh…elle est sauva-age… »), qui a toujours un sacré joli timbre de voix.

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On l’a écouté jusqu’à la tombée de la nuit, qui se couchait sur la plage de Saint-Jouin Bruneval….

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…et puis nous sommes allés manger des moules, sous la pleine lune, bercés par la houle, en respirant un air d’une incroyable pureté.
Marie-José, qui avait fait les plans de table, m’a placée à côté de Tignous, un dessinateur parfaitement adorable dont, sans le savoir, j’aimais beaucoup les dessins dans Marianne.
(Mais ça, c’était avant qu’il ne me dessine moi le lendemain. En même temps, je ne peux pas lui en vouloir, j’avais juste oublié de lui préciser que je n’avais pas quatre-vingt huit ans.)
(Ceci étant, de l’avis général, l’éventail est super ressemblant !)

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La nuit, à l’hôtel, je découvre que toutes les chambres des auteurs sont nommées… astuce destinée sans doute à permettre aux fans maniaques de ne pas agresser un dessinateur qu’ils n’ont pas encore lu…

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Du coup, je me suis réveillée super tôt samedi matin, et j’ai décidé d’aller explorer la fameuse plage dont m’avait parlé Marie-José, qui était, m’a-t-elle dit, à tout casser à trente minutes à pieds. J’ignore de quels pieds il s’agissait, mais pas des miens visiblement, car j’ai mis le double du temps pour y parvenir. Et je ne raconte même pas par quelles épreuves inouïes j’ai du passer… entre les crottes de chevaux que si tu mets ta basket dedans, tu t’enfonces jusqu’au genou…

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…les vastes étendues sauvages désertées de toute trace de civilisation…

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…les chemins ténébreux où je me suis aventurée seule et inconsciente, munie, pour toute arme si je croisais un sanglier, du flash de mon appareil photo…

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…après avoir écarté les buissons de ronces, d’orties, ou de je ne sais quelle autre plante exotique urticante (désolée, y’a pas marqué « Truffaut » sur mon front)…

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….après avoir échappé à des millions d’insectes gigantesques qui grouillaient tout autour de moi…

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…ENFIN, je l’ai aperçue, au terme d’un chemin pentu, escarpé et caillouteux (que j’avançais orteil après orteil, tellement j’avais peur de me vautrer)…

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…la plage !

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…avec de l’eau dedans !

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Je me suis perdue un long moment dans la contemplation de ce paysage merveilleux, jusqu’à ce que j’entende sonner la cloche indiquant le début du salon…

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…vite, vite, je me suis précipitée….

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…et, telle une bonne élève, j’ai griffonné toute la journée.
(Bon, là en fait non, je lis un album d’Edika. Traitre de photographe.)

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(Tignous et moi. Photo : Philippe Julie)

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(Photo (que j’aime beaucoup !) : Cyrille Auber)

…avant d’aller déjeuner avec Edika, Tignous et Charb (dessinateur, et aussi rédac-chef du journal Charlie Hebdo). Par « déjeuner », j’entends « servir soi-même de repas à des millions de guêpes pendant qu’on essaie de se nourrir sans trop ouvrir la bouche. »
Non seulement c’est idéal pour le régime (à raison d’une frite parvenue à destination tous les quarts d’heure, on se regarde fondre respectivement), mais c’est également idéal pour se désensibiliser brutalement de toute forme d’apiphobie. Une sorte de sélection naturelle, quoi.
Soit tu flippes et tu t’enfuis en hurlant la bouche fermée, soit tu restes, et tu les ignores stoïquement. Car on nageait littéralement dans un nuage de culs rayés.
Seul Charb (également surnommé « Le Cha » pour son côté révolutionnaire parmi les dessinateurs soumis à cette guérilla que nous étions) a décidé qu’il ne se rendrait pas, et qu’il en tuerait le plus possible avant de mourir (de faim)…

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…mais c’était sans compter notre Brigitte Bardot locale, alias Tignous, qui n’allait pas se laisser impressionner par deux-trois petits chocs anaphylactiques de chochotte, et qui distribuait les mandales à tour de bras à qui osait lever la main sur ces petits êtres sans défense (à part leur dard venimeux, je veux dire.)
Même Edika en a sauvé une, qui s’était égarée dans le goulot d’une bouteille de cidre pendant que tout le monde rigolait les lèvres serrées.
Alors, devant tant d’impopularité, à la fin de la journée Charb a proposé qu’on s’éclipse tous les quatre au Casino d’Etretat. Formidable idée qui lui a valu aussitôt une remontée d’estime générale (il sait y faire pour manipuler l’opinion publique, le Charb !)

Tout au long du chemin, Edika et moi nous sommes livrés à une bataille autrement plus poétique : un concours de la plus belle photo de mouette.
Voici les miennes :

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…les siennes sont plus réussies, vous pouvez me croire. Plus précises, plus esthétiques, mieux mises en valeur…bref, il a gagné.
Vous connaissez l’adage ? « Photo réussies, maintenant une tisane et au lit ».
Eh ben on aurait vraiment du l’écouter, l’adage, au lieu d’aller quand même au Casino.
Parce que seul Tignous, qui n’avait rien shooté, a gagné plusieurs fois le jackpot aux machines à sous !

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En début de soirée, il a bien fallu se rendre à l’évidence : désormais, nous étions pauvres.
Même plus de quoi prendre un taxi pour rejoindre tous les autres.
Le choc fut rude, surtout pour Charb et Tignous, qui n’avaient pas l’habitude.
Alors on s’est posés dans un coin, et on a réfléchi.

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Tignous (qui n’a pas encore réalisé qu’il n’avait gagné que 3,20 euros en pièces de 10 centimes) – « Ah-ahaaah ! Quand je veux, je me refais ! Quand-je-veux. »
Edika (consterné) – « Rien dedans, rien en dessous, et même rien au dessus. J’ai beau chercher, je ne retrouve plus mon argent. Allez, je vais encore regarder au cas où, on ne sait jamais. »
Charb (pragmatique) – « Donnez, donnez-do-donnez, donnez-donnez moa-a-a…donnez, donnez-do-donnez, Dieu vous le rendra… »
Moi (astucieuse) – « En même temps, il suffit d’un fil et ça peut faire un joli yaourtophone, pour téléphoner à mon banquier et le prévenir de la petite surprise rigolote qui l’attend lundi. »

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Tignous (enthousiaste) – « …Bon, allez, j’y retourne ! »
Edika  (clairvoyant) – « N’y va pas, mon ami ! Je t’en conjure ! Reste parmi nous ! Tu ne sais plus ce que tu fais, le démon du jeu t’habite ! Je t’empêcherai de te perdre, dusse-je faire un rempart de mon corps ! »
Charb (persuasif) – « Donne, je te dis. Vas-y, fais pas ton rat, donne. »
Moi (astucieuse) – « Vous croyez que si je fais un joli sourire au photographe, il nous offrira le taxi de retour ? »

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Tignous (tout triste) – « Ben… qu’est-ce que je vais faire sans toutes mes petites pièces couleur or ? »
Edika (stupéfait) – « Oh mon Dieu ! Je viens de réaliser que ce n’était pas un billet de 50, mais de 500 euros, que j’ai donné au caissier pour jouer ! Oh mon Dieu !! OH MON DIEU !!! »
Charb (plus rien à perdre) – « Putain, mec, j’suis un dingue. Tu m’connais pas. Alors DONNE. J’te pête ta gueule si tu donnes pas. »
Moi (astucieuse) – « …En même temps, si j’allais ramasser de la Ben and Jerry’s et que je la mettais dedans, j’aurais pas complètement perdu le pot… »

Bon, finalement, tout fut bien qui fini bien, car (astucieuse je suis !) j’ai demandé l’air de rien à Edika de me faire un petit dessin (j’aime combien il a subtilement rendu la nuance exacte de la couleur de mes cheveux. Cet homme est vraiment un artiste)…

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…que j’ai refilé discrétos au directeur, pour lui acheter la moitié du Casino.
On a donc pu rentrer en Rolls Royce et retrouver les autres auteurs de BD qui, pour certains, n’avaient même jamais vu une voiture de leur vie.

Sur le chemin, à travers nos vitres fumées, on a croisé de sublimes paysages…

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Le soir, au restaurant, surprise !
Marie-José Ballay, qui a décidément reçu tous ses auteurs à la perfection ce week-end là, n’a pas oublié de fêter… l’anniversaire de Charb et de Tignous, qui tombe le même jour !

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Fous de bonheur de voir ainsi leur âge canonique célébré (Jeanne Calment, tiens toi bien, les Charbignous arrivent !), ces amis de vingt ans tombèrent dans les bras l’un de l’autre et, emportés par l’émotion du moment, se roulèrent une pelle monstrueuse, témoignage (comin’out ?) de l’affection qu’ils se portaient depuis si longtemps…

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Ce week-end, j’ai vraiment fait trois très (très) belles rencontres, trois types adorables, d’une rare gentillesse, et je remercie énormément Marie-Jo pour ça (ma 4e belle rencontre !).
Tenez, Charb, par exemple, c’est un type extrêmement galant, très drôle (façon snipper de la vanne !), et qui imite remarquablement bien les oiseaux (type avec des favoris qui siffle pour calmer Louis de Funès dans l’Homme Orchestre, sors de son corps !). Le seul problème, avec lui, c’est qu’il n’est pas très fort en stylisme…

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(…est-ce que quelqu’un pourrait lui dire que les poches, sur un jean, c’est sur les côtés et pas au milieu ?)

Du coup, comme c’était leur anniversaire, je me suis dit que j’allais un peu leur apprendre à dessiner…

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Ensuite, plutôt que d’aller à l’hôtel, on a terminé la soirée chez Marie-Jo, à enchainer les éclats de rire et les verres de rhum… de sorte que quand on est finalement rentrés, vers 2h du matin, eh bien… on a fait monter l’hôtel en grade :

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(de rien !)
(je précise que moi j’ai rien fait, j’avais pas de feutre)
(et avec la voix, ça compte pas)
(baaah, un petit coton alcoolisé et un nouveau tableau, et il n’y paraitra plus…)

Chouette, chouette, chouette salon, encore plus chouettes rencontres, j’ai vraiment passé un excellent moment !
Merci Marie-Jo pour ton super accueil, et merci à tous !

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